Un homme
choisit-il sa femme en se rappelant la douceur soyeuse des cheveux de sa
mère ? C’est en tout cas l’hypothèse formulée en 1932 par Roy
Sheldon et Egmont Arens, deux pionniers du design industriel qui voulaient
illustrer l’importance de la mémoire des premières sensations tactiles et son
intérêt dans le domaine du marketing. Parmi nos sens, le toucher est celui dont
nous sommes le moins conscients, alors que c’est un moyen direct d’action sur
le monde physique et social. Le simple fait d’effleurer quelqu’un de manière
amicale peut avoir plus d’impact qu’un échange verbal. C’est l’« effet
Midas » (ce roi qui transforme en or tout ce qu’il touche), mis en
évidence dans les années 1980 par la psychologue April Crusco, de l’université
du Mississippi, avec une expérience montrant que les serveurs de restaurant ont
de plus gros pourboires s’ils touchent l’épaule du client en présentant
l’addition.
Le toucher
social est inscrit au plus profond de notre histoire naturelle. Observés dans
de nombreuses espèces animales, les contacts tactiles ont été étudiés chez les
primates, qui pratiquent l’épouillage mutuel, l’équivalent de nos câlins et
massages. En effet, s’il ne s’agissait que d’une pratique hygiénique, on
s’attendrait à ce que la durée de l’épouillage varie avec la taille de surface
à entretenir. Or, il n’en est rien, les gros ne sont pas épouillés plus
longtemps que les petits, et la fréquence des séances dépasse largement le strict
nécessaire pour garantir une fourrure propre. La sélection naturelle opérant
selon des principes plutôt rationnels, la raison d’un tel investissement
(jusqu’à deux heures par jour !) mérite d’être posée. Le temps sacrifié
pour les activités plus « sérieuses » comme la recherche de la nourriture
doit bien être compensé par des bénéfices d’un autre ordre. Quels
sont-ils ?
Mouvements d’épouillage et caresses
Les
mouvements d’épouillage sont rythmiques et alternent de vifs pincements de la
peau et des caresses amples et douces. Ces dernières activent des fibres
sensorielles (fibres tactiles du groupe C), non myélinisées et à vitesse de
conduction lente, dont les projections terminent dans l’insula et le cortex
orbitofrontal. Des études ont montré que l’activité de toilettage provoque la
sécrétion d’endorphine et d’ocytocine, ces systèmes neuroendocriniens impliqués
dans des fonctions telles l’analgésie, le plaisir, l’attachement social. On
observe aussi un abaissement de la tension artérielle et du tonus parasympathique,
et un état de bien-être et de relaxation.
Voilà pour
les effets directs. Mais quel avantage sélectif un tel souci du bien-être
d’autrui procure-t-il ? L’anthropologue Robin Dunbar (université
d’Oxford) évoque l’hypothèse du cerveau social. Les primates se distinguent des
autres mammifères par un très gros cerveau rapporté à la taille du corps, et,
lorsqu’on compare différentes espèces, par une forte corrélation entre volume
cérébral et complexité des structures sociales. Les primates humains et non
humains établissent des relations fortes et de longue durée avec leur
partenaire de reproduction, mais aussi avec de nombreux autres membres de leur
groupe. Ces relations doivent être gérées finement afin de préserver les
coalitions et les équilibres nécessaires à la survie individuelle et à la
cohésion du groupe. Une relation non reproductive durable, autrement dit une
amitié, ça se cultive. Le toucher social, selon Dunbar, est peut-être la
solution qu’a trouvée l’évolution pour créer un environnement
psychopharmacologique propice à l’établissement de la confiance réciproque et
au renforcement des liens.
Prêts pour
un câlin gratuit ?
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/sciences/article/2016/01/18/toucher-l-autre-c-est-tout-benefice_4849226_1650684.html#Ci0wYXA5rS5xRH41.99
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